Concours d’écriture de la villa Yourcenar

Des élèves talentueuses !

Lalie et Pauline Hoguet, élèves de 3ème au collège Jacques Prévert de Watten sont lauréates du Concours d’écriture organisé par le site départemental de la Villa Yourcenar à St-Jans-Cappel.

Pauline a remporté le 3ème prix et Lalie le 5ème.

Elles ont composé sur le sujet suivant :

« Tu as quitté la ville où tu habites pour trouver refuge dans une cabane qui te ressemble. Explique les raisons qui t’ont poussé à vivre, coupé du monde ».

Le concours était ouvert à tous les collégiens du Nord. Amenées à rédiger une page pour répondre à ce sujet (réservé aux collégiens de 4è et de 3ème), les deux sœurs ont produit un texte qui a séduit un jury composé d’enseignants et d’écrivains.

D’après leur professeur de français, Valérie Legrand : « C’est une merveilleuse aventure et une juste récompense pour ces deux jeunes filles. Pauline et Lalie sont des élèves remarquables qui possèdent un réel intérêt pour la lecture et qui sont très sensibles à la beauté de l’écriture. Elles cherchent toujours le mot juste ; elles ont conscience, malgré leur jeunesse, de la qualité d’un style, de la poésie des mots ».

Leur texte sera lu par un comédien ou une comédienne lors de la remise des prix le dimanche 12 Juin à la Villa Yourcenar. Pauline recevra un Chèque-livres de 150 Euros et Lalie de 50 Euros (offerts par le Département du Nord).

(Deux classes participeront le Vendredi 10 Juin aux Journées collégiennes organisées par la Villa Yourcenar. Les élèves y rencontreront Jo Witek et Christophe Léon, auteurs jeunesse, et assisteront à deux représentations théâtrales.)

Des élèves de 6ème ont aussi participé spontanément à ce concours mais les résultats ne nous parviendront que fin mai !

Découvrez ci-dessous les textes de nos deux lauréates :

Cela faisait presque sept ans que j’étais avec lui, et un mois à peine s’est écoulé depuis que j’ai quitté la maison ; pourtant, j’ai l’impression de ne jamais m’être sentie aussi libre.
Au début, tout allait très bien entre nous ; à aucun moment, il ne m’a fait douter de son amour. C’est seulement lorsque l’on a commencé à cohabiter que je me suis rendu compte qu’il n’était pas aussi parfait que je le croyais. Plus le temps passait et plus il se montrait possessif, contrôlant tous mes faits et gestes. Petit à petit, je n’ai plus eu droit à ma vie privée, j’étais constamment sous sa surveillance. Je n’étais plus en ma possession : tel un pantin, je me faisais complètement manipuler. Je me souviendrais toujours du premier coup que j’ai reçu : celui qui a envoyé valser l’image idyllique que j’avais de lui en mille morceaux. Ce ne fut pas la dernière fois qu’il me frappa. J’étais enfermée dans une prison avec des barreaux aussi solides que du béton, avec aucune évasion possible ni aucune cuillère me permettant de creuser un tunnel.
Un soir, alors qu’il était au travail, j’ai pris la décision de partir. Je voulais m’enfuir le plus loin possible, là où il ne viendrait jamais me chercher. J’ai profité qu’il rentre tard pour faire mes valises, n’emportant que le strict nécessaire : quelques provisions et un peu de linge. Je venais de charger le dernier bagage dans ma voiture lorsque j’ai entendu des pneus crisser sur le gravier. Je n’ai pas pris la peine de vérifier. Je me suis engouffrée dans le véhicule en enclenchant le contact. Il a claqué sa portière et a hurlé :
« Où que tu ailles, je te retrouverai, tu le sais ?! »
J’ai reculé. Je me souviens du choc lorsque son corps a percuté le coffre, de la flaque de sang sur le parking dans le reflet du rétroviseur. Puis j’ai roulé sans m’arrêter.
Quand je me suis retrouvée dans ce bois, j’étais soulagée, je me sentais enfin en sécurité. Les jours suivants, j’ai cherché où je pourrais m’installer jusqu’à ce que je tombe sur un arbre immense qui surplombait tous les autres. Cachée à l’abri des regards, je n’aurais pu rêver mieux comme endroit pour une personne aussi discrète que moi. Je suis partie d’une plateforme de planches mal assemblées puis celle-ci est devenue ma cabane. Un peu bancale, comme moi. Je m’y suis tout de suite plu. J’ai rempli la seule et unique pièce de mon château de fleurs aux parfums enivrants que j’aime tant. C’était décidé, j’allais me reconstruire ici. Au coeur de la forêt. J’allais de nouveau respirer.

Pauline HOGUET

 

Jeudi 12 mai 1994

Cher journal,

C’est de mon écriture tremblotante et de ma plume bancale que je vais tenter de t’expliquer ma situation. Cela fait maintenant une semaine que je suis parti, une semaine que j’ai abandonné ce lieu qui me rendait fou, ces créatures meurtrières. Mais la période de répit dont je dispose est courte, je le sais. Elles sont déjà à ma recherche, elles sont en chemin, elles arrivent. Ce n’est qu’une histoire de jours avant qu’elles ne me retrouvent. J’ai peur, je ne dors plus, cette cabane ne me protégera pas longtemps. Ces murs, en bois, qui se fondent si bien dans la forêt où je me situe, ne tiendront pas éternellement  lorsqu’elles auront retrouvé ma piste. Pourtant, je ne perds pas espoir; tant que l’espoir sera en moi, je devrais pouvoir survivre, je devrais pouvoir conserver le peu de santé mentale qui me reste. Enfin, je l’espère.

Je vais sombrer dans la démence. Elles me rendent fou. Peu importe le lieu où je pose mon regard, leurs yeux jaunes et luisants surgissent. Pourtant, je lutte. Si j’ai fui dans ces bois loin de toute civilisation humaine, ce n’est pas pour y mourir, mais pour y vivre sans ces monstres tout droit sortis de mes pires cauchemars. Lorsque je clos mes paupières, et que je laisse mon esprit se reposer quelques instants, je revois leurs longs bras terminés de griffes. Les gens disent que je suis fou, que je perds la tête, mais ils ont tort. Je les ai sentis ces bras, venant glisser autour de mes jambes. Ces créatures cachées autour de chez moi me veulent quelque chose. Quoi? Je ne le sais pas, je ne diffère pas des autres et je n’ai rien à envier. Je suis quelqu’un d’ordinaire, je mène ma vie d’avocat comme d’autres mènent la leur. Du haut de mes 40 ans, je n’ai jamais rien vécu d’inouï et je suis quelqu’un de plutôt ennuyeux. Mais alors… que me veulent-elles?

A cause d’elles, j’ai dû renier toute ma vie. J’ai quitté mon travail peu de temps après leur soudaine apparition. Au début, je pensais que je délirais, jusqu’à cette fameuse nuit où, pris d’une soudaine insomnie, j’ai vu ramper jusqu’à moi ces choses ténébreuses. Puis, après avoir fait fuir mes proches avec mes histoires délirantes, j’ai dû quitter ma maison. Je ne pouvais plus faire un  mouvement sans les voir, sans avoir peur, sans être en sécurité. C’était la meilleure solution, même si, à présent, dans cette cabane au fond des bois, je ne trouve toujours pas le repos en sachant pertinemment qu’elles sont à mes trousses.

Lalie HOGUET

 

Ce dimanche 12 juin se déroulait la remise des prix à Saint-Jans-Cappel et les deux sœurs s’y trouvaient avec leurs parents. Encore bravo à elles.

 

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